Mt 21,33-43
Nous lisons aujourd’hui la parabole des vignerons homicides. Dans ce contexte, nous avons des «lecteurs implicites» pour lesquels, la vigne symbolise Israël tandis que les vignerons sont les habitants de Jérusalem qui ne supportent pas les prophètes (cfr Lc 13, 34).
Une actualisation de la mission d’Adam
Le Fils du propriétaire assassiné en dehors du vignoble c’est Jésus tué au-delà des murs de Jérusalem. Par rapport aux lecteurs réels que nous sommes aujourd’hui, la vigne peut représenter le monde entier. Dans Genèse nous voyons le monde au commencement, aux origines qui ressemble à un beau jardin. Adam y est placé pour cultiver le sol et monter la garde, il est à la fois cultivateur et gardien (cfr Gn 2, 8). Nous pouvons alors nous poser cette question, en rapport avec l’enseignement du Saint Père, le Pape François, comment je protège l’humanité, la terre aujourd’hui. Comment je l’exploite en tant que cultivateur ?
Vu sous cet angle, cette parabole ressemble à une actualisation de la mission d’Adam dans le jardin d’Eden ; comme Adam, les héritiers de la vigne doivent aussi exercer la tâche de gardien d’autant que le propriétaire a prévu une tour de garde dans la vigne.
Cette parabole, ne dit pas pourquoi les vignerons refusent de rendre compte de leur travail aux envoyés du propriétaire. Mais il est sous-entendu qu’ils ont failli à leur mission dans la vigne. Le refus de vérification, de l’inventaire constitue un réflexe habituel de celui qui a failli dans la gestion.
Respecter l’intention du Créateur
Le monde est la vigne du Seigneur, il ressemble à un jardin à cultiver, à garder. C’est ici que cette parabole rejoint les préoccupations écologiques de nos jours. On assiste au déboisement à outrance sans reboisement planifié dans certains coins du monde, l’exploitation sauvage des ressources naturelles, une industrialisation du monde qui porte sérieusement atteinte à l’équilibre des écosystèmes…. Mettront certainement l’homme en difficulté quand il lui faudra se justifier, devant le Créateur, sur sa façon de gérer le monde. Dès que l’on cesse de gérer la création en respectant l’intention du Créateur lui – même, l’on exerce sur elle une violence qui finit par s’étendre sur les humains. Encore une fois, le grand perdant ici c’est l’homme lui-même destructeur de son univers.
Discerner les traces de Dieu
L’on comprend alors pourquoi les vignerons s’acharnent sur les différents envoyés au point d’éliminer le fils du propriétaire (cf. Mt 21, 35-39). La violence exercée sur la création en l’exploitant sauvagement s’accompagne toujours de la violation des droits humains. L’on sait comment, dans certains milieux, les populations ont perdu maisons, champs… qu’elles ont dû abandonner aux exploitants des minerais, des bois, etc. l’homme ne peut abuser de la création sans violer les droits de son semblable. Si la mauvaise gestion de la vigne rend impossible l’accueil du Fils (cf. Mt 21,38), c’est qu’une gestion correcte de la création permet d’y discerner les traces du Créateur, lui qui se révèle aussi à travers la Création (liber nature : Verbum Domini, n°7)
Être gardien de la création
Plus que jamais, il nous faut actualiser la vocation d’Adam : être à la fois cultiver et gardien de la création ; développer le monde tout en jouant le rôle de sentinelle pour éviter tout dérapage dans la gestion des écosystèmes. Le chrétien fidèle à la parole de Dieu, veillera à ce que le monde, bien qu’urbanisé, ne perde pas les traces du jardin. L’humanité a besoin des espaces verts, des vergers qui rappellent le monde dans sa splendeur originale, à l’image du jardin d’Eden. Là où l’homme faillit à sa mission de sentinelle de la création, Dieu semble silencieux. Comme dans la parabole, il confié la gestion de la vigne à l’homme avant de se retirer, dans le silence. Il fait ainsi confiance, il compte sur la maturité de l’homme. Mais il y aura un moment où chacun devra rendre compte devant le Seigneur.
Abbé Jean Claude Cabwinwe Ciza