Gn 9, 8-15; 1 P 3, 18-22 ; Mc 1, 12-15
Depuis le Mercredi des Cendres, nous sommes entrés dans le Carême. Du latin quadragesima dies (quarantième jour), le Carême est une période d’une quarantaine de jours pendant lesquels, par la pénitence, les privations, la purification du cœur, les chrétiens se préparent à célébrer la victoire de la vie sur la mort, c’est-à-dire la fête de Pâques.
Et en ce premier dimanche de Carême, appelé aussi dimanche de la Tentation, les lectures nous introduisent au thème de la miséricorde. Etre miséricordieux, c’est avoir un cœur sensible à la misère humaine, un cœur qui a pitié, un cœur qui pardonne, un cœur qui veut du bien aux autres.
Dieu nous veut du bien. Dans la première lecture, du livre de la Genèse, Dieu nous dit : « Oui j’établis mon alliance avec vous : aucun être vivant ne sera plus détruit par les eaux du déluge ».
Mais qu’avons-nous donc fait pour mériter, dans un premier temps, la colère de Dieu ? Saint Pierre répond à cette question dans la deuxième lecture lorsque, parlant du Christ, il dit : « C’est ainsi qu’il est allé proclamer son message à ceux qui étaient prisonniers de la mort. Ceux-ci, jadis s’étaient révoltés au temps où se prolongeait la patience de Dieu ».
Par leur révolte contre la volonté de Dieu, nos ancêtres se sont enfermés dans la mort. Ils ont posé des actes qui tuent la vie. Leur révolte est malheureusement encore la nôtre aujourd’hui. Nous aussi, nous posons beaucoup d’actes qui tuent la vie, et cela au quotidien. On peut l’observer sans difficulté dans notre monde.
L’évangile décrit notre situation en termes de désert. C’est notre désert où nous ne vivons pas toujours à l’abri des tentations de Satan, et où le Christ, heureusement, poussé par l’Esprit Saint nous rejoint pour nous libérer, pour nous redonner la vie. Le désert est un milieu inhospitalier : chaleur torride pendant le jour, froid glacial pendant la nuit ; pas d’eau, pas de végétation ; peu de chemins, peu d’abris. Voilà notre vie, si peu accueillante des uns vis-à-vis des autres.
En fait, qu’est-ce que Jésus rentre dans ce désert ? Dans notre désert ? Saint Marc écrit : « Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages ». Mais qui sont ces bêtes sauvages au milieu desquels vivait Jésus ? Vous devinez la réponse : c’est bien nous les hommes. Voilà ce que Satan, qui maintenant tente le Christ, a déjà réussi à faire de nous : des bêtes sauvages. En effet, comme bêtes sauvages :
- Nous sommes imprévisibles : nous changeons continuellement des positions, nous changeons continuellement des convictions. Dans ce contexte, le respect de la parole donnée n’existe pas. Aussi, la confiance devient-elle difficile à établir entre nous. Nous coupons les liens qui devraient nous unir les uns les autres.
- Nous manquons l’esprit d’écoute : nous nous côtoyons sans doute là où nous vivons, là où nous travaillons. Mais il est difficile de dire que nous avons du temps les uns pour les autres, que nous avons de la place dans notre cœur les uns pour les autres. Et pourtant, savoir écouter, c’est être capable de se mettre à la place de l’autre pour comprendre ce qui l’anime et pouvoir lui répondre en toute connaissance des causes. Notre monde en a vraiment besoin.
- Nous sommes agressifs : en effet, non seulement nous sommes imprévisibles, non seulement nous ne nous écoutons pas, mais nous sommes aussi bien souvent au bord de l’explosion. Nos cœurs sont pleins d’énergie, mais pas toujours pour de bonnes causes. Par nos maladresses, nous détruisons nos familles, nous détruisons nos communautés, nous détruisons nos relations, nous détruisons notre travail, nous détruisons notre pays, nous détruisons notre humanité.
Aujourd’hui, dans son amour infini, Dieu veut nous changer. Des bêtes sauvages, son Fils peut faire de nous des anges. C’est ce que nous montre saint Marc qui, dans l’évangile, écrit : « Ils vivaient avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient ». Nous sommes créés pour vivre en harmonie avec Dieu, pour le servir en servant nos frères avec amour.
Mais Dieu ne nous change pas sans nous. C’est le message de Jésus aux habitants de la Galilée et à nous : « Les temps sont accomplis : le Règne de Dieu est là. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».
Et comment opérer cette conversion ? Saint Pierre répond dans la deuxième lecture : « [en s’engageant] devant Dieu avec une conscience droite ». Il s’agit, dans tout ce que nous pensons, disons et faisons, d’aimer vraiment Dieu de tout notre cœur et de nous nous souhaiter, de nous vouloir les uns les autres du bien.
Ainsi, nous mériterons la miséricorde de Dieu qui a dit à Noé et à ses fils : « Il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre ».
L’Abbé Jean Claude Cabwinwe Ciza