Is 9, 1-6; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
En cette solennité de la Nativité du Seigneur, les lectures nous invitent à méditer sur le salut, sur notre salut. Sauver, c’est secourir, c’est aider à sortir d’une situation difficile. Dans un texte des Exercices spirituels que j’ai déjà cité ici, saint Ignace nous décrit ainsi l’incarnation : « Me rappeler l’histoire de ce que j’ai à contempler. Ici, ce sont les trois personnes divines regardant toute la surface ou la sphère de l’univers, remplie d’hommes. Et les voyant tous qui descendent en enfer, elles décident dans leur éternité que la seconde Personne se ferait homme pour sauver le genre humain » (n° 102).
Voilà ce qui est en jeu dans l’incarnation et la naissance du fils de Dieu : le salut du genre humain. Saint Paul en parle de manière très simple dans sa lettre à Tite que nous avons entendue dans la deuxième lecture. Il dit : « La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes ». Nous pouvons comprendre par là que le salut des hommes, de tous les hommes, constitue le révélateur de la grâce de Dieu, le révélateur du cœur de Dieu, le révélateur de la miséricorde de Dieu, le révélateur de l’amour de Dieu.
Saint Ignace nous dit que Dieu nous sauve de l’enfer. Comment est-ce que les lectures nous parlent-elles de la situation de l’homme avant la venue du Christ ?
Isaïe dans la première lecture nous parle du « peuple qui marchait dans les ténèbres ». Et dans l’évangile, saint Luc parle « des bergers qui passaient la nuit dans les champs ». Notre situation est celle des ténèbres, est celle de la nuit. C’est un temps de désolation comme celui du monde avant la création, avant l’intervention de Dieu dont nous parlent le livre de la Genèse : « Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre, la terre était déserte et vide, et la ténèbre sur la surface de l’abîme » (Gn 1, 1-2).
Que veut dire que nous sommes dans les ténèbres ? Que nous sommes dans la nuit ? C’est Isaïe dans la première lecture qui nous répond :
Nous vivons dans l’oppression : Isaïe parle du « joug qui pesait sur [les hommes] », [du] bâton qui meurtrissait leurs épaules ». Il s’agit des personnes qui nous font souffrir, des situations qui nous causent beaucoup de peines. Nous nous sentons opprimés, étouffés, mais nous ne voyons pas comment nous en sortir.
Nous vivons dans la hantise : Isaïe parle du « fouet du chef de corvée ». Il s’agit de mauvaises idées qui ne nous lâchent pas, qui nous poursuivent sans cesse et qui finissent par nous plonger dans le mal, dans le péché.
Nous vivons dans l’échec : Isaïe parle des « chaussures des soldats qui piétinaient bruyamment le sol », des « manteaux [des soldats] couverts de sang ». Il s’agit du manque de réussite. Nous nous sentons bien souvent écrasés, humiliés. Bien de choses que nous entreprenons n’aboutissent pas, tournent mal ou au ralenti.
Aujourd’hui, Dieu veut changer notre situation. Isaïe nous l’annonce en ces termes : « Oui ! un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule ». L’ange, en s’adressant aux bergers, nous l’annonce comme suit : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle […] : aujourd’hui vous est né un sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur ».
Mais qu’est-ce que le Messie qui naît dans nos cœurs, dans nos villes, dans nos situations, nous apporte-t-il ?
Il nous apporte la lumière : Isaïe dit dans la première lecture : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre une lumière a resplendi ». Et dans l’évangile, saint Luc dit : « L’ange du Seigneur s’approcha [des bergers] et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière ». La lumière inaugure la création. Dans le livre de la Genèse nous lisons : « Dieu dit : “Que la lumière soit !” Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne » (Gn 1, 3-4). Le Christ est la lumière de Dieu pour les hommes. Par cette lumière, Dieu nous recrée, nous guide vers les bonnes actions. Il veut que nous vivions « en hommes raisonnables, justes et religieux » comme le dit saint Paul à Tite.
Il nous apporte la joie : Isaïe dit à Dieu dans la première lecture : « Tu as prodigué l’allégresse, tu as fait grandir la joie ». Et dans l’évangile, l’ange dit aux bergers : « […] je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie ». Un proverbe bouddhiste dit que j’ai déjà cité ici dit : « Seul un homme heureux peut faire du bien ». Nous avons besoin de la joie qui vient de Dieu pour faire du bien autour de nous.
Il nous apporte la paix : Isaïe appelle l’enfant nouveau-né : « Prince-de-la Paix ». Et il ajoute : « Ainsi le pouvoir s’étendra, la paix sera sans fin pour David et pour son royaume ». Et dans l’évangile, saint Luc nous fait savoir qu’une troupe innombrable […] louait Dieu en disant : “Gloire à Dieu au plus haut de cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime” ». Nous avons besoin de cette paix dans nos cœurs, dans nos familles, dans nos relations, dans nos communautés, dans nos entreprises, dans nos institutions, dans nos pays.
Mais pour que ces dons puissent porter des fruits, nous devons incarner deux attitudes que l’on rencontre chez les bergers : L’éveil : ils passaient la nuit à garder les troupeaux. Dieu se montre à ceux qui ont le désir de l’accueillir.
La foi : ils ont cru à l’ange et sont allés rendre visite à l’enfant Jésus qui était couché dans la mangeoire. Bethléem signifie, selon certains dictionnaires, la ville du pain, la ville où l’on fabrique des pains. Jésus, dans la mangeoire, est le pain donné aux hommes pour être consommé. Puisse Dieu nous rendre capables d’être éveillés et d’avoir la foi.
Père Jean Claude Cabwinwe Ciza