Is 7, 10-14 ; Rm 1, 1-7 ; Mt 1, 18-24
En ce quatrième dimanche de l’Avent, que le Missel du Dimanche donne comme nom « L’incarnation du Fils de Dieu », les lectures développent le thème de l’Incarnation.
Le dictionnaire Le Petit Robert (1984) retient deux sens au mot incarnation. 1° « Action par laquelle une divinité s’incarne dans le corps d’un homme ou d’un animal ». Le dictionnaire donne une précision en ce qui concerne la religion chrétienne, à savoir « Union intime en Jésus-Christ de la nature divine avec une nature humaine ». 2° « Ce qui incarne, représente, image, personnification ».
Les deux sens s’appliquent bien effectivement à Jésus. Pour le premier, nous disons dans le Credo : « Par l’Esprit-Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme ». Quant au second, saint Paul dit de Jésus aux Colossiens qu’ « Il est l’image du Dieu invisible » (Col 1, 15).
L’incarnation de Jésus-Christ est donc l’entrée de Dieu dans le monde, dans l’histoire humaine. Dans la première lecture, Isaïe dit au roi Acaz de la part du Seigneur : « Voici que la Vierge concevra, elle enfantera un fils, et on l’appellera Emmanuel, c’est-à-dire : Dieu est avec nous ». Dans la deuxième lecture, saint Paul, parlant de la Bonne Nouvelle aux Romains, dit : « Cette Bonne Nouvelle concerne son Fils [le Fils de Dieu] : selon la chair, il est né de la race de David ». Et dans l’Évangile, on a la citation d’Isaïe. Mais à part cela, on a ces paroles de l’ange adressées à Joseph : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : “Le Seigneur sauve”) ».
Comment donc est notre histoire, dans laquelle entre le Fils de Dieu ? C’est une histoire conflictuelle. Aujourd’hui, on peut dire que les gens ne savent plus aimer, ils ne s’aiment pas entre eux. Notre histoire se caractérise en effet par :
Le refus de Dieu
Il consiste à se cacher en face de Dieu pour ne pas avoir à lui rendre compte. On croit qu’on peut se débrouiller tout seul dans le monde comme si le monde nous appartenait. Ainsi quand Isaïe dit au roi Acaz de demander un signe, ce dernier répond : « Non, je ne demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l’épreuve ». C’est là une forme d’orgueil. Et c’est le lieu de rappeler cette phrase célèbre du père jésuite français Henri de Lubac dans son livre Le Drame de l’humanisme athée : « L’homme peut bien gouverner le monde sans Dieu, mais il ne pourra le faire que contre l’homme ».
Le refus de l’homme
Il consiste à ne pas aimer, ou à ne pas assez aimer ceux qui nous entourent ; à rendre leur vie impossible, ou à ne pas rechercher leur bien-être. Isaïe dénonce cette attitude quand il dit au roi Acaz : « Écoutez maison de David ! Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes ». Fatiguer les hommes, c’est en fait rendre la vie dure aux autres.
Le refus de l’autre peut-être dû à la jalousie, c’est-à-dire au désir de ne pas vouloir voir les autres heureux. C’est l’attitude qui a caractérisé Caïn vis-à-vis d’Abel, et dont nous parle le livre de la Genèse (Gn 4). Il peut aussi être dû à la gourmandise, c’est-à-dire au désir de vouloir être heureux tout seul. Jésus dénonce cette attitude dans une parabole sur la vigilance que nous rapporte saint Luc où un serviteur, voyant que le maître tardait à venir, se mit à battre les garçons et les filles de service, à manger, à boire et à s’enivrer (Lc 12, 45).
Le refus de Dieu et le refus de l’homme mènent l’humanité en enfer, c’est-à-dire dans le mal absolu. Dieu veut nous épargner cela. C’est ainsi que dans le Credo, nous disons : « Pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel ». Le salut que Jésus nous apporte à deux dimensions :
Une dimension horizontale
Elle met en relation l’homme avec l’homme. Dans la deuxième lecture, saint Paul dit aux Romains : « Vous les fidèles qui, êtes, par appel de Dieu, le peuple saint, que la grâce et la paix soit avec vous tous de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur ». Jésus nous offre la grâce et la paix.
La grâce, c’est la présence en l’homme de la sagesse pour être capable de faire le bien. La sagesse est un don de Dieu comme le reconnaît le livre de la Sagesse. Dans ce livre, l’homme dit à Dieu : « Fais-là descendre des cieux saints, […]. Elle qui sait et comprend tout, elle me guidera dans ma conduite avec mesure et elle me protégera par sa gloire » (Sg 9, 11).
La paix, c’est l’harmonie en l’homme et entre les hommes. C’est la réconciliation en soi et avec les autres. Le Christ, après sa résurrection, a dit à plusieurs reprises à ses disciples : « La paix soit avec vous » (Jn 20, 19-21). Nous avons besoin de vivre en paix. Le contraire de la paix c’est la guerre, l’anarchie.
Une dimension verticale
Elle met en relation l’homme avec Dieu. Le Christ est venu non seulement pour nous remettre dans l’amitié les uns avec les autres, mais aussi avec Dieu. Cette amitié, ou cet amour, passe par le pardon des péchés. Dans l’Évangile, l’ange dit à Joseph à propos de Jésus que « c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ». En Jésus, Dieu nous pardonne nos péchés, tous nos péchés. Il n’y a pas de péché qu’il ne puisse pardonner.
Mais pour que l’incarnation devienne effective dans notre vie, nous devons coopérer avec Dieu par l’obéissance. Saint Paul le dit aux Romains : « Pour que [le nom du Christ] soit honoré, nous avons reçu par lui grâce et mission d’Apôtre afin d’amener à l’obéissance de la foi toutes les nations païennes ». Demandons à Dieu la grâce de l’obéissance à ses desseins.
Père Jean Claude Cabwinwe Ciza
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