Is 56,1.6-7 ; Rm 11, 13-15.29-32 ; Mt15, 21-28
En ce 20 è dimanche du Temps ordinaire, nous pouvons résumer notre méditation de ce jour par cette phrase : « lorsque la foi l’emporte » !
En effet, dans ce passage de Matthieu, on a du mal à reconnaitre le Christ. Le ton méprisant à l’humble prière de cette pauvre femme païenne contraste totalement avec sa bonté habituelle. L’on peut d’emblée se poser cette question : pourquoi une telle dureté ? Pourquoi humilier cette femme, dont la démarche toute empreinte de foi, de délicatesse et de persévérance force notre admiration ?
Pour comprendre l’attitude du Christ, relevons d’abord une triple barrière qui se situe du point de vue socioreligieux.
- D’abord une barrière religieuse, car la felle est païenne, fille de Canaan, membre d’un peuple honni des prophètes pour avoir corrompu Israël.
- Ensuite, elle est étrangère, provenant de la bande côtière de l’ancienne Phénicie, appelée « Syrophénice » par opposition à l’arrière-pays désigné plutôt par « Libophénicie ».
- Enfin, elle est femme ; un être que son présumé statut d’ »infériorité » n’autorisait pas à importuner le maître.
Malgré ces barrières, la femme n’abandonne pas. Au contraire ; se jetant aux pieds de Jésus, elle le supplie de délivrer sa fille de la possession du démon. L’Evangile nous présente alors 4 traits essentiels à retenir.
Le refus paradoxal de Jésus.
A la prière insistante de la femme païenne, Jésus répond par le silence malgré l’intervention des disciples gênés par les cris de la femme. Pour justifier son refus, il déclare qu’Il n’ait été envoyé qu’aux brebis perdus d’Israël ». Il ajoute se tournant vers la femme : « il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le donner aux petits chiens » ! Les juifs d’abord, les païens viendront après. La réponse parait décourageante mais malgré cela la femme insiste en donnant une répartie admirable : « c’est vrai, Seigneur, mais justement les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres.
Les miettes des petits chiens.
Sans se sentir offensé par les propos de son interlocuteur, la femme lui fait comprendre que les petits chiens ont droit, eux aussi, à leur part. Elle affirme que point n’est besoin d’attendre que les enfants aient fini de manger avant de s’intéresser aux chiens ; de même, il n’est pas nécessaire d’attendre la conversion de tous les juifs pour se tourner vers les païens. En donnant les miettes aux petits chiens, elle semble déclarer qu’on ne prive pas les enfants de leur pain, de leur droit. Tout comme en intervenant en sa faveur, Jésus ne prive pas les Juifs de leurs privilèges. Ainsi, le temps de grâce est donc arrivé pour les païens puisque certains d’entre eux sont déjà parvenus à la foi en Jésus. La preuve est qu’elle reconnaît en Jésus le « Seigneur » ce que certains juifs n’avaient pas fait. Avec cette déclaration, la réponse du Christ est directe : « femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux » !
Voilà ce que peut obtenir l’humble supplication d’une pauvre païenne. On dirait qu’à force d’insistance, elle a inauguré le temps des païens avant le terme fixé. De quoi n’est pas capable notre foi ?, notre prière ? S’il nous arrive de buter contre le silence de Dieu, sachons imiter la ténacité de cette femme. Notre persévérance, à coup sûr, fléchira son cœur !
Entre païens et juifs, à qui le tour ?
En passant de l’Evangile à la deuxième lecture, on constate un changement de perspectives. A présent, ce ne sont plus les païens qui attendent l’arrivée de leur temps de grâce mais plutôt les juifs. Faisant une relecture de l’évangélisation, saint Paul fait observer que par suite de refus des juifs d’accueillir la foi au Christ, les païens se sont vus attribuer la première place. Ainsi pour ne pas tomber dans le risque de s’en enorgueillir, saint Paul invite les païens à l’humilité en leur rappelant que les dons de Dieu et son appel sont irrévocables.
Dieu enferme-t-il dans l’ignorance ?
En écoutant l’expression de Saint Paul, on pouvait croire que Dieu a enfermé les hommes dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous les hommes. Une telle affirmation serait contraire à la vérité du mystère du salut. Tout au long de l’histoire du salut, Dieu n’a cessé de multiplier ses interventions en faveur du salut de l’homme. C’est plutôt ce dernier qui, en refusant d’accueillir sa grâce, au nom de la liberté, s’enferme dans son ignorance. Et Dieu respecte le choix de l’homme, y compris celui de le rejeter. Cependant, Il l’attend, dans sa miséricorde, pour le sauver. Nous n’avons qu’à méditer la parabole de l’enfant prodigue pour comprendre le sens de cette miséricorde de Dieu.
Demandons la grâce de la persévérance dans notre foi, dans la prière afin d’obtenir de Dieu ses miracles à notre faveur.
Abbé Jean Claude CIZA
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