Ez 33, 7-9 ; Rm 13, 8-10 ; Mt 18, 15-20
Les lectures nous introduisent au thème de l’amour fraternel que nous pouvons encore résumer par « pour vivre en frère ». Dans sa lettre aux Romains, saint Paul écrit : « Frères, ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l’amour mutuel ». Saint Paul a raison d’écrire : « L’amour ne fait rien de mal au prochain ». Comme on ne peut pas se vouloir du mal, à moins qu’on soit perturbé ou déséquilibré, on ne peut pas non plus vouloir du mal à une personne qu’on estime beaucoup, qu’on voudrait voir heureux.
Mais attention !
a) Alors que l’amour humain est d’emblée discriminatoire : « J’aime la personne qui me plait » ; l’amour auquel nous invite l’Ecriture est universel. C’est la maison d’Israël, c’est l’Eglise. Mon amour doit porter sur tous ceux de ma communauté et non sur quelques-uns.
D’où les questions : dans le milieu où nous vivons, est-ce que nous regardons toutes les personnes que nous croisons comme des frères et des sœurs ? Est-ce que nous essayons d’éviter les préjugés ?
b) L’amour auquel nous invite l’Ecriture a son fondement en Dieu. C’est Dieu qui nous établit les uns pour les autres et non quelques désirs cachés en nous de vouloir dominer les autres ou les manipuler. Le prophète Ezékiel dit : « La parole du Seigneur me fut adressée ». C’est le Seigneur qui nous appelle pour nous envoyer les uns aux autres. Et dans l’évangile, il est dit : « Jésus disait à ses disciples ». C’est à l’école de Jésus que nous apprenons à aimer.
c) L’amour auquel nous invite l’Ecriture est aussi marqué par la solidarité : dans sa lettre aux Romains, saint Paul dit que le résumé de tous les commandements est bien celui-ci : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Comme on s’aime, on doit aussi aimer les autres. Cela dit, l’on doit s’entraider les uns les autres à rester sur le droit chemin. C’est ainsi que Dieu dit à Ezékiel : « Fils d’homme, je fais de toi un guetteur ».
Un devoir et une mission
Par guetteur, il ne faut pas entendre ici espion. Nous ne sommes pas des espions de Dieu ! Mais coresponsables les uns des autres. C’est pour cela que Jésus, dans l’évangile, demande à ses disciples et à nous de savoir gagner nos frères. C’est de cela qu’il s’agit : non pas d’accuser nos frères, de dénoncer nos frères, mais de gagner nos frères au bien. Cela veut dire que nous-mêmes nous sommes dans le bien, que nous savons écouter. Les textes de ce dimanche sont d’une déroutante clarté en ces termes : si ton frère a péché, va le trouver pour lui faire voir sa faute. Cela implique pour nous chrétiens, un devoir et une mission.
Devoir d’abord de charité envers le frère ou la sœur qui s’égare. La correction fraternelle à laquelle nous invite l’évangile, est une mission que Dieu lui-même nous confie aux uns à l’égard des autres. Celui qui n’aide pas son frère ou sa sœur à se corriger, dit le prophète Ezéchiel, partage les conséquences de son péché. Aucune excuse n’est admise puisque Dieu nous avertit qu’il nous demandera compte de son sang. Ainsi, rester indifférents au mal commis par un frère ou éviter d’intervenir pour ne pas « avoir d’histoires », c’est nous exposer nous-mêmes à la condamnation.
Comment effectuer la correction fraternelle ?
Remarquons par ailleurs, qu’il ne s’agit pas forcément de péchés commis contre nous, mais de toute conduite répréhensible de nos frères. Dieu nous tient pour responsables du salut des autres en nous confiant à leur égard une mission de « guetteurs ».
Mais comment procéder ? Comment effectuer la correction fraternelle ? Elle doit se faire avec doigté et humilité en portant le frère dans la prière, répond Saint Matthieu, qui regroupe dans l’évangile de ce dimanche une série de consignes données par le Christ lui-même sur cette question. Ainsi, nous retenons pour notre méditation de ce jour cinq principes.
- Parler directement au fautif et non derrière lui. Ceci veut dire que le but de la correction fraternelle est de ramener le fautif sur la bonne voie et non de le diffamer. Tout doit commencer par un dialogue sans témoins, dans un cœur à cœur inspiré par l’amour et le respect ;
- La méditation progressive. C’est après l’échec de la première tentative qu’il faut recourir à un petit groupe de frères en toute discrétion. Précisons encore une fois, qu’il ne s’agit pas d’un jugement mais un appel à la conversion. Tout ceci demande de porter tout dans la prière.
- Impliquer toute la communauté. Le recours à la communauté n’intervient qu’en dernier ressort. Puisque le frère en tort rejette tout appel à la conversion, il faut que la communauté dans son ensemble l’exhorte à se ressaisir. A ce niveau, tout doit être fait par amour dans un désir sincère de ramener le fautif sur la bonne voie.
- La séparation : lorsque tout ce qui est possible a été essayé sans succès, la communauté doit, en désespoir de cause, se résigner à sanctionner la décision prise par le coupable lui-même de rester dans son péché.
- Enfin, porter le frère ou la sœur en prière. Même après exclusion, le frère continuera d’être porté en prière par toute la communauté.
Si le frère fautif était nous ?
Posons- nous alors cette question. Et si le frère fautif était nous ? Ne soyons pas étonné par cette question car les circonstances de la vie peuvent nous amener à nous retrouver dans la situation du frère qui a péché. Saurons-nous alors accueillir comme des messagers de Dieu, ceux qui viennent nous tendre une main secourable ?
Nous appartenons à Dieu et nous sommes faits les uns pour les autres. C’est cela l’amour.
Père Jean Claude Ciza
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