Gn 22, 1-18 ; Ps 115 ; Rm 8,31b-34 ; Mc 9, 2-10
Depuis une dizaine de jours, nous avons commencé l’itinéraire spirituel du carême, un cheminement pénitentiel qui nous conduit vers les grandes célébrations de la Semaine Sainte : la passion, la mort et la résurrection du Seigneur Jésus Christ. Si le carême est perçu par plusieurs comme un temps privilégié de conversion, de privation et de partage, les actes de piété auxquels il nous convie ne doivent pourtant pas nous faire oublier son but essentiel : le carême est le temps privilégié au cours duquel nous essayons de nous rapprocher de Dieu en approfondissant notre connaissance de son mystère. C’est donc une occasion particulière pour chaque chrétien pour réfléchir encore une fois sur le paradoxe de ce Dieu qui, par amour pour l’homme, s’est fait vulnérable. C’est encore une fois, un temps pour méditer cette hymne que nous chatons chaque samedi de la première semaine : « qui donc est Dieu pour nous aimer ? ».
Pour nous aider à réaliser ce retour aux sources, l’Eglise nous propose en ce deuxième dimanche des lectures d’une très grande profondeur. Nous avons l’épreuve d’Abraham dans la première lecture, et l’Evangile de la transfiguration du Seigneur chez saint Marc.
L’épreuve d’Abraham. Comme nous pouvons le constater, ce texte rapporte le drame de conscience vécu par Abraham lorsque Dieu lui demanda de lui sacrifier Isaac son Fils unique, cet enfant de la promesse. Placé devant ce paradoxe, Abraham se réfère aux traditions païennes de son temps où les sacrifices humains étaient assez fréquents en terre de Canaan. Nous pouvons bien le lire dans Lev. 18, 21 ; 2R3, 27 ; 16,3 ; 17 ; 21,6 ; 23,10 ; Lev 20,2-5 ; Jér 7, 31-37 ; 19,1613 ; 32,35 ; Ez 16,20. Disons que ces sacrifices étaient présentés pour attirer les faveurs des dieux, une manière aussi de manifester leur attachement à leurs divinités.
Immergé dans cette culture païenne, Abraham ressenti lui aussi, le besoin de prouver son amour envers son Dieu en lui offrant ce qu’il avait de plus cher, de meilleur. Mais la suite de la narration nous révèle autre chose : Dieu n’aime pas les sacrifices humains, comme il l’a d’ailleurs déclaré dans les préceptes confiés à Moïse : « ne fais pas comme eux(les peuples païens) à l’égard du Seigneur, ton Dieu ; car tout ce que le Seigneur abhorre, tout ce qu’il déteste, elles l’ont fait pour leurs dieux, brûlant même en leur honneur, leurs fils et leurs filles » (Dt 12, 31). Isaïe dit que le sacrifice qui plait à Dieu, c’est un esprit brisé, un cœur broyé.
L’épreuve d’Abraham est aussi manifestée comme l’épreuve de Dieu. Dans ce récit, c’est la disponibilité inconditionnelle d’Abraham qui est prêt à renoncer même à ce qu’il a de plus précieux. En cela, le vieux patriarche devient une préfiguration de Dieu lui-même qui, un jour, accepta de donner son Fils unique, pour le salut de l’humanité. A travers l’attitude d’Abraham, nous pouvons comprendre à notre tour le vrai jeune qui consiste à savoir renoncer à ce qu’on a de plus précieux dans la vie. Tout comme Abraham fut bouleversé par la demande insolite de Dieu, de même les disciples de Jésus furent saisis d’effroi lorsqu’il leur annonça le destin tragique qui l’attendait. C’est dans ce contexte de préoccupation qu’il convient de situer l’Evangile de ce dimanche qui nous conduit à parler de l’épreuve des disciples aussi.
C’est sur le chemin de Jérusalem que nous voyons Jésus annoncer à ses disciples sans beaucoup de détours le destin tragique qui l’attend. Il s’agit de son arrestation, la condamnation et le supplice de la croix. L’effet est dramatique. Scandalisés, en proie au désarroi, les disciples ont du mal à croire aux paroles de leur Maître. Ils sont bouleversés, éprouvés même au fond de leur cœur car leur destin qui était lié au Christ, se trouve exposé à la dérision et à la mort. Ils ont du mal à accepter une telle nouvelle et c’est le silence, la peur qui les domine. Leur foi est en crise, comme la nôtre souvent chaque fois que nous pensons sérieusement à un Dieu livré aux mains des hommes, ce Dieu Tout puissant qui a fait autant des miracles, ressuscité les morts mais qui se trouve cloué sur la croix. La suite de l’évangile nous fait voir que nous ne devons pas nous arrêter par-là, nous laisser dominer par le désespoir. Il faut aller au-delà du doute et écouter ce que le seigneur nous dit encore dans cette obscurité, dans les épreuves de la vie. Il faut écouter et suivre le Christ jusqu’au bout. Ne jamais l’abandonner.
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! ». Cette invitation après l’annonce faite par Jésus de sa mort, est une invitation qui ne pas seulement adressé à Pierre, Jacques et Jean, mais qui est adressée à nous aussi, à tout baptisé, à tout chrétien. Ecouter Jésus, c’est accepter de le suivre, même si ce qu’il nous demande semble en contradiction avec la sagesse du monde ; c’est aussi accepter de le suivre même s’il nous entraîne sur le chemin de la croix. C’est aussi prendre de la hauteur par rapport à la mentalité ambiante, qui sous le couvert de la sagesse, nous enferme parfois dans des préoccupations trop mesquines. Ecouter Jésus, en définitive, c’est miser sa vie sur l’amour en acceptant d’avance là où il nous conduira.
Demandons chers frères et sœurs, la grâce de savoir offrir à Dieu le meilleur de notre, la grâce d’écouter et de suivre le Christ notre sauveur, lui qui vit et règne maintenant et pour les siècles de siècles.
Abbé Jean Claude CIZA