Jr 17, 5-8 ; Ps 1 ; 1Co 15,12-20, Lc 6,17-26
Qui que nous soyons, l’évangile de ce dimanche ne peut nous laisser indifférents, car il semble contredire l’expérience quotidienne qui s’étale devant nous et remettre en question le désir de richesse, avoué ou caché, qui habite le cœur de tout homme. Ainsi, nous allons méditer aujourd’hui sur le « bonheur ».
En effet, comme nous le constatons, la version des béatitudes d’aujourd’hui nous présente 4 bénédictions suivies de 4 malédictions. Avouons humblement qu’une telle page d’évangile a quelque chose de provoquant, de déconcertant, de gênant. Comment peut-on dire « heureux les pauvres, heureux, les gens qui ont faim, qui pleurent, qui sont insultés et persécutés ? N’est ce pas le contraire qui crève les yeux : heureux ceux qui sourient à la vie parce que la vie leur sourit ? Notre embarras devant ce texte atteint son comble lorsque nous attendons dire « malheureux êtes-vous les riches, parce que vous avez déjà votre consolation » ! En quoi consiste alors le vrai bonheur ! Pourquoi donc les richesses, qui sont pourtant un signe de bénédiction divine peuvent se transformer en une redoutable malédiction ? C’est essentiellement parce que l’argent est trompeur ! Voyons alors en quoi, il est trompeur. Parce que :
Plus vous en amassez, plus il vous fait croire que vous n’en avez pas assez, car l’avidité grandit avec la possession et le désir de s’enrichir augmente à mesure que s’accumule la fortune.
En plus, l’argent est trompeur, parce qu’il vous fait croire que vous êtes meilleurs aux autres lorsque votre compte bancaire est plus fourni que le leur ou que vous pouvez faire de plus grandes largesses aux pauvres. Or la bonté ne se mesure pas selon la quantité ; elle s’apprécie par rapport à la gratuité.
L’argent est trompeur de plus, parce qu’il vous impose sa logique qui consiste à donner peu pour gagner davantage. Dans le registre de l’amour, de la charité vraie, on s’enrichit réellement que de ce que l’on donne.
L’argent est encore trompeur parce qu’il nous fait croire que tout ce qui ne nous profite pas n’est pas important et, faisant miroiter devant les yeux les merveilles qu’il promet, il nous aveugle pour fermer finalement nos yeux et nos oreilles à la misère de ceux qui nous entourent.
L’argent est encore trompeur, puisqu’il vous fait croire qu’en le possédant, votre vie sera pleinement assurée et, qu’au bout du compte, vous pouvez même vous passez de Dieu ?
L’argent est trompeur, qui oserait le nier aujourd’hui ? Son pouvoir séducteur est impressionnant, n’en faisons-nous pas l’expérience quotidiennement ? Dans notre hypocrisie collective, nous le condamnons tout en le désirant secrètement ; nous le rejetons dans nos discours, tout en le cherchant avidement dans les faits.
Faisons attention et écoutons ce que nous la première lecture en ces termes : « maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel… tandis que son cœur se détourne du Seigneur ! ». Oui mes frères et sœurs, l’argent est passager, il est mortel, ne mettons pas notre confiance ne lui en nous détournant du seigneur.
L’argent sera notre fidèle serviteur, si nous savons le ramener à sa vraie place, en le gagnant par une vie honnête, en l’utilisant avec sagesse et en le partageant avec les plus pauvres. A ce sujet écoutons ce que nous dit Saint Clément d’Alexandrie en ces termes :
« Si donc étant riche, tu regardes comme des dons de dieu l’or, l’argent et les maisons que tu possèdes, si tu les rends dans la personne de tes frères à Dieu qui te les a donnés, reconnaissant ainsi que tu les possèdes pour les autres plutôt que pour toi, si t’élevant au-dessous de tes richesses tu sais les commander au lieu d’en être l’esclave, si tu ne les portes pas en ton cœur et si tu n’y enfermes pas l’horizon de ta vie, si quand elles te sont enlevées tu supportes cette perte avec le même calme que quand tu en jouis, tu es préparé à posséder le royaume des cieux bien mieux que si tu rejetais le fardeau des richesses par l’impuissance de le porter (…) Notre salut ne dépend pas des choses qui sont en dehors de nous ; on peut être dépouillé de tout et avoir l’âme de convoitise ; notre salut dépend des dispositions de l’âme ».
« Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance ! »
Que le Seigneur maître de l’impossible, nous donne des cœurs avisés et sages pour savoir faire un bon usage des biens qu’il met à notre disposition.
Abbé Jean Claude Ciza
Fot. Action Backlit Beach