Si 27, 4-7 ; 1Co15, 54-58 ; Lc 6, 39-45
En ce dimanche 8è du Temps ordinaire, nous méditons la suite et la fin du chapitre 6 de l’évangile de Luc que nous lisons depuis trois dimanches. Aujourd’hui, Jésus nous parle en paraboles et nous prenons comme thème : la paille et la poutre en jetant un regard sur nos jugements. Les images de ce jour, sont mises en rapport avec des oppositions ; le disciple et le maître, l’homme bon et l’homme mauvais.
Pour commencer notre méditation, écoutons ce que nous dit Jésus : « tu examines la paille qui est dans l’œil de ton frère ? et la poutre qui est dans le tien ?
Cette phrase qui nous interpelle tous, met en lumière le côté maitre de sagesse de Jésus. Merveilleux observateur, conseiller, plein d’humour et de rudesse salutaire, Jésus nous interpelle sur notre manière de critiquer. On ose à peine commenter mais la manie de critiquer les autres est si fréquente et si dangereuse pour la vie fraternelle qu’il faut s’y arrêter un peu.
Dans ce texte, il s’agit bien des rapports entre « frères », le mot est dit quatre fois en huit lignes. Vie de couple, vie familiale, communautés de toutes sortes, groupes d’amis… l’avertissement qui précède fait penser à des conseils aux responsables : « un aveugle peut-il guider un aveugle ? » ce n’est donc pas un appel à fermer les yeux et les oreilles ! mais à changer de regard. Mais qui est responsable et qui ne l’est pas ? nous sommes tous responsables les uns les autres. Comment est notre regard vis-à-vis des autres ?
En effet, le regard du responsable est instinctivement inquisiteur. On surveille (parfois, hélas, on espionne), on cherche la petite bête, on la trouve, et pleuvent les remarques, les accusations…pour faire son métier, tout chrétien, conscient de sa responsabilité envers les autres, doit se méfier du coup classique : nous dénonçons très souvent chez les autres nos propres défauts, qui deviennent horriblement voyants : « il me reproche d’avoir une petite amie, me disait un garçon en parlant de son père, mais lui il a une minette ! » ; aussi, un jour j’ai entendu une maman reprocher à sa fille de téléphoner trop longuement, alors qu’elle reste elle-même plus d’une heure à l’appareil ! c’est le genre de choses qui rendent grinçante n’importe quelle vie commune.
Alors, faut-il être parfait pour enlever les pailles ? non, bien sûr, mais au moins ne jamais oublier nos poutres, nos faiblesses qui parfois sont très visibles que la paille des autres. Le Christ nous dit en ce jour : « enlève d’abord la poutre de ton œil et tu verras plus clair ! parfois l’enlever n’est pas toujours facile ou possible, mais au moins en prendre conscience rendra certainement notre regard plus vrai. Nous verrons peut-être que la paille est vraiment paille, sans importance. Ou que dans telle circonstance et avec telle personne il n’est pas du tout nécessaire de nous ériger en censeurs, ce qui éliminera bien des critiques, des préjugés aussi agaçantes qu’indiscrètes.
Cependant, notre réelle responsabilité, ou tout simplement notre souci d’aider, ne doit pas nous rendre aussi muets devant les faiblesses des autres. Elle nous oblige à faire comme on le dit, à faire « des observations ». Si notre réflexe est de vérifier d’abord nos propres déficiences, notre ton se fera modeste et nous pourrons progresser ensemble. Plus profondément l’histoire de la poutre nous ramène à l’état de notre cœur. « Les bons arbres, dit Jésus, ne portent pas de mauvais fruits ». Les critiqueurs, les médisants, les calomniateurs, tous chercheurs enragés de la moindre paille, ont un cœur malveillant. Pas fameuses non plus, d’ailleurs, certaines « bienveillances » un peu lâches, indifférentes, ou carrément aveugles.
Décidément, il semble impossible d’être à la fois bienveillant et pas idiot ? On peut en demander le secret à Dieu. Comment faut-il, voyant tout, pour rester bon ? La réponse est peut-être chez ce mystique anglais qui dit : « ce n’est pas ce que tu es que Dieu voit, ni ce que tu as été, mais ce que tu voudrais être ».
Demandons chers frères et sœurs, la grâce de rester loin des critiques et de chercher à aider les autres à faire sortir la paille qui est dans leur yeux. Que notre vie soit source de paix pour nous-mêmes et pour nos proches, que l’Esprit Saint nous éclaire pour découvrir la poutre qui est dans nos yeux et qui nous empêche de voir les merveilles du Seigneur dans la vie de nos frères et sœurs afin de l’enlever.
Abbé Jean Claude CIZA
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