Gn 15,5-18 ; Ph 3,17-4,1 ; Lc 9,28-36
Les lectures de ce deuxième dimanche de Carême, dimanche d’Abraham et de la Transfiguration, nous parlent de la foi.
La foi, c’est la confiance en quelque chose, en quelqu’un ou en Dieu. Comme tel, la foi apporte un plus dans la vie de celui qui croit.
La foi peut sans doute naître d’une observation ou d’une recherche, comme lorsqu’on tire une conclusion d’une expérience ou d’une analyse. A ce propos, un proverbe dit « le fait engendre l’expérience, l’expérience engendre le proverbe, le proverbe engendre le conte ». Mais pour nous croyants, dans le judéo-christianisme du moins, la foi a son origine en Dieu, c’est un don de Dieu à l’homme. Ainsi dans la première lecture, du livre de la genèse, est-il dit : « Le Seigneur parlait à Abraham dans une vision. Puis il le fit sortir dehors ». C’est Dieu qui a l’initiative dans tout cela : c’est lui qui s’adresse à Abraham, c’est lui qui le conduit dehors. Et dans l’évangile, il est dit : « Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il alla sur la montagne pour prier ». C’est Jésus qui les prend pour les amener avec lui.
La foi est un processus de conversion
Puisqu’il est question de « faire sortir », de « prendre avec », l’on peut dire que la foi est un processus de conversion qui marque le passage d’un lieu vers un autre, d’un état vers un autre, d’une situation vers une autre.
Dans la première lecture, le Seigneur dit à Abraham : « Je suis le Seigneur, qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te mettre en possession de ce pays ». Spirituellement parlant, qu’est-ce donc qui caractérise ceux qui habitent la ville d’Our en Chaldée d’où le Seigneur a fait sortir Abraham ? Et qu’est-ce qui va caractériser ceux qui vont habiter le pays de Canaan où se rend Abraham ?
Ceux qui habitent la ville d’Our vivent dans les ténèbres
Dans la première lecture, il est dit : « Au coucher du soleil, une grande torpeur s’empara d’Abraham, une sombre et profonde frayeur le saisit. Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses ». Et dans l’évangile, il est dit : « Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ». Il s’agit des ténèbres, de la torpeur, de la frayeur et du sommeil des problèmes, du mal, des incertitudes qui nous empêchent d’être optimistes, de cultiver la joie en nous et autour de nous, de nous voir et de nous recevoir les uns les autres en Christ.
Aujourd’hui le Seigneur veut nous faire passer de cet état de somnolence vers l’état d’éveil, des ténèbres vers la lumière qu’est le Christ. Dans la première lecture, il est dit : « Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les quartiers d’animaux [qu’Abraham avait disposé] ». Et dans l’évangile il est dit : « se réveillant, [Pierre et ses compagnons] virent la gloire de Jésus ». En effet, Dieu veut vraiment visiter nos cœurs, nos communautés, nos apostolats. Il veut qu’au réveil, nous voyons la gloire de Jésus même sur les visages de ceux ou de celles que nous n’aimons pas assez.
Ceux qui habitent la ville d’Our se laissent conduire par des intérêts égoïstes
Dans la deuxième lecture, nous avons entendu saint Paul s’adresser aux Philippiens en ces termes : « […] je vous l’ai souvent dit, et maintenant je le redis en pleurant : beaucoup vivent en ennemis de la croix du Christ […]. Leur dieu, c’est leur ventre […] ; le but de leur vie est sur la terre ». Vivre en ennemi de la croix du Christ, c’est vivre en se mettant soi-même au centre. C’est rechercher en tout et partout ses propres intérêts, sa propre réussite, sa propre gloire même si cela signifie piétiner les autres, réduire les autres à l’état de spectateurs, ignorer le Christ qui a souffert pour nous. Le jésuite français Henri de Lubac a écrit dans Le drame de l’humanisme athée que « L’homme peut gouverner le monde sans Dieu, mais il ne peut le faire que contre l’homme ».
Aujourd’hui, le Seigneur veut nous rappeler par son Apôtre saint Paul que « nous sommes citoyens des cieux ». Plutôt que de nous rechercher nous-mêmes et de dominer les autres, nous devons nous laisser dominer par le Christ.
Finalement, la foi fait de nous des hommes justes. Dans la première lecture, il est dit : « Abraham eut foi dans le Seigneur, et le Seigneur le déclara juste ». Vivre dans la justice, c’est vivre dans la bonne voie, celle que trace le Seigneur. C’est vivre dans la vérité, en accord avec son cœur ou son âme. En effet, dans la civilisation africaine de l’ancienne Égypte, on n’a qu’un seul mot pour dire justice et vérité.
Pour ne pas la perdre la foi
Mais la foi, on ne l’a pas une fois pour toute. On doit l’entretenir pour ne pas la perdre. Comment l’entretenir ?
Par l’écoute : il est dit dans l’évangile : « Et, de la nuée, une voix se fit entendre : “Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le” ». Jésus nous parle chaque jour à travers la Parole de Dieu.
–Est-ce que la Parole de Dieu occupe une grande place dans ma vie ?
Par la prière : il est encore dit dans l’évangile que Jésus « priait ». Prier, c’et s’entretenir avec Dieu, le louer, le remercier, lui présenter les préoccupations des autres et de soi-même avec un cœur sincère.
–Est-ce que je prie ?
Par la persévérance : dans la deuxième lecture, saint Paul dit aux Philippiens : « Tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés ». Tenir bon, c’est être endurant, fort, patient, fidèle au milieu ou en face des difficultés prévues ou imprévues, au milieu ou en face des incompréhensions.
–Est-ce que je suis fidèle au Seigneur ?
Si nous avons vraiment la foi, alors nous pourrons humblement, et à l’exemple de saint Paul, nous présenter les uns aux autres comme des modèles, des témoins de la présence de Dieu au milieu des hommes.
Père Jean Claude Ciza
Fot. Motoki Tonn/Unsplash.com