Ex 3, 1-15 ; 1 Co 10, 1-12 ; Lc 13, 1-9
Les lectures de ce troisième dimanche de Carême, appelé dimanche de Moïse, nous invitent à méditer sur la conversion.
La conversion est un changement d’idée, de mentalité ou de vie de sorte que l’on ne se voit plus soi-même ou l’on n’est plus vu par les autres de la même manière qu’auparavant. La conversion est synonyme de déplacement, de repositionnement.
Comment la conversion nous apparait-elle dans nos lectures ?
A) Elle nous apparait comme le passage de soi aux autres, de la famille à la nation : dans la première lecture, du livre de l’Exode, nous reconnaissons dans Moïse une personne d’abord fort attachée à la famille de son épouse : « Moïse, lisons-nous, gardait le troupeau de son beau-père Jethro ». Mais Dieu va le changer en faisant de lui le berger de tout Israël : « Et maintenant, lisons-nous encore, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël ».
Il nous arrive d’être prisonnier de nos familles et de nos institutions. Mais Dieu nous appelle à ouvrir nos cœurs aux dimensions de la nation, à mettre nos compétences au service de la nation, à penser au grand nombre.
B) Elle nous apparaît comme le passage de l’improductivité à la productivité : dans l’évangile, le maître du domaine se plaint auprès de son vigneron à propos d’un figuier qui ne porte pas de fruits en disant : « Voilà trois ans que je viens chercher du fruits (sic) sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. A quoi bon le laisser épuiser le sol ? » Au fond, ce que veut le maître du domaine, c’est que l’arbre puisse donner des fruits. Le vigneron le sait. D’où sa réponse : « Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir ».
Dieu nous fait des dons pour que nous rendions les autres heureux par notre manière d’être, de vivre, de travailler. Mais est-ce que nous les rendons vraiment heureux ? Aujourd’hui le Seigneur nous demande de fructifier nos dons.
Maintenant, concrètement, comment la conversion peut-elle advenir pour nous ?
A) En allant vers le Seigneur : dans la première lecture, il est dit : « [Moïse] mena le troupeau au-delà du désert et parvint à l’Horeb, la montagne de Dieu ». De nous-même nous ne pouvons pas nous convertir. La conversion est également un don du Seigneur. Pourtant, comme Moïse, nous devons y participer en allant à la rencontre du Seigneur pour connaître sa volonté sur nous, pour savoir ce qu’il attend de nous. Le Seigneur, qui est feu et lumière, peut nous transformer, nous éclairer. En fait, dans la première lecture, il est dit : « L’ange du Seigneur apparut [à Moïse] au milieu d’un feu qui sortait du buisson ». Dieu vient à notre rencontre si librement nous nous mettons en route vers lui.
B) En enlevant nos sandales : dans la première lecture, il est dit : « Le Seigneur vit que [Moïse] avait fait un détour pour venir regarder, et Dieu l’appela du milieu du buisson : “Moïse ! Moïse !” Il répondit : “Me voici !” Dieu dit alors : “n’approche pas d’ici ! Retire tes sandales, car le lieu que foulent tes pieds est une terre sainte !” » Les sandales symbolisent notre orgueil, notre fierté, notre assurance du haut desquels nous regardons les autres. Le Seigneur nous demande de les retirer. Nous ne pouvons tisser des relations sincères, profondes, durables avec Dieu et le prochain que si nous sommes des gens simples, humbles, honnêtes, ouverts, bons.
C) En recevant notre mission du Seigneur : dans la première lecture, il est dit : « Dieu dit à Moïse : “ […] Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Je-Suis’” » « Dieu dit encore à Moïse : “Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Yahvé’” ». C’est du Seigneur que nous devons recevoir chaque jour notre mission, par exemple celle d’enseigner. La recevoir de lui, c’est nous entendre dire comme à Moïse : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte […]. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre spacieuse et fertile, vers une terre ruisselant de lait et de miel, vers le pays de Canaan ». Où est l’Égypte aujourd’hui ? Et où est le pays de Canaan ? Écouter le Seigneur qui est, qui est vivant, éternel et adorable, c’est consentir à sortir son peuple, notre peuple de l’ignorance, de la misère pour l’amener à la connaissance, au bonheur.
Peut-on résister à la conversion ? Malheureusement oui ! Saint Paul nous en parle dans la deuxième lecture lorsqu’il s’adresse aux Corinthiens en ces termes : « Cessez de récriminer contre Dieu comme l’ont fait certains d’entre [ceux qui sont sortis de l’Égypte] ». Très souvent, nous ne sommes pas capables de voir le bien que Dieu fait dans notre vie. Nous nous mettons à la recherche des prétextes pour ne pas lui être obéissant, pour ne pas lui être fidèle. Mais de cette manière, nous gâchons vraiment notre vie. Saint Paul dit : « ils ont été exterminés ». Jésus nous dit la même chose dans l’évangile : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous comme [ces galiléens que Pilate avait fait massacrer pendant qu’ils offraient un sacrifice], [ou] de la même manière [que ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé] ». Nous pouvons être bien vivant, mais mort spirituellement !
Dieu peut-il être patient envers nous ? Heureusement oui ! Mais nous devons savoir intercéder les uns pour les autres comme l’a fait le vigneron pour l’arbre : « Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas ».
Prions pour notre conversion et aussi pour la patience de Dieu envers l’humanité.
Père Jean Claude Ciza
Fot. Pro Church/Unsplash.com