Is 58, 7-10; 1 Co 2, 1-5; Mt 5, 13-16
En ce cinquième dimanche du temps ordinaire, la parole de Dieu nous invite à méditer sur le témoignage chrétien, sur notre témoignage comme chrétiens. Dans l’évangile, le Seigneur confie à ses disciples et à nous aujourd’hui, la mission d’être sel et lumière pour le monde en ces termes: «Vous êtes le sel de la terre … Vous êtes la lumière du monde».
Tout chrétien de par son baptême est appelé à être sel et lumière, quels que soient son âge, sa condition sociale et sa responsabilité particulière dans l’Eglise. Et c’est pour signifier une telle mission que le jour du baptême, le prêtre remet un cierge allumé aux parents du nouveau baptisé en les invitant à transmettre à leur enfant la lumière du Christ. Et c’est pour cette raison que dans les anciens rites du baptême, il était prévu que le prêtre donne un peu de sel à l’enfant que l’on venait d’introduire dans l’Eglise.
Ce texte de l’Evangile nous donne deux métaphores complémentaires. Les deux images utilisées par Jésus ont en commun une caractéristique importante : ce sont des « révélateurs ». En effet, le sel fait découvrir la saveur des aliments tandis que la lumière révèle la beauté des êtres et du monde. Au cœur de cette vie, la vocation du chrétien consiste donc à mettre en valeur le bien que recèle toute personne. Sans le sel, les plats paraissent insipides ; sans la lumière tout baigne dans l’obscurité. En définitive, le sel et la lumière révèlent la beauté et la saveur de ce qui existe déjà ; ils n’existent pas pour eux-mêmes. On ne peut en effet manger du sel tout seul ni fixer une lumière. Ils n’existent que pour les autres, tout comme le chrétien. Cependant chers frères et sœurs, ces deux symboles de lla vie courante n’opèrent pas de manière identique. De fait, le sel agit par enfouissement en disparaissant dans les aliments, tandis que la lumière atteint son objectif par rayonnement.
Disons-le, le sel s’obtient par évaporation et cristallisation. C’est en éliminant l’eau que les grains se forment. Il en va ainsi de la vie chrétienne : le disciple ne devient du sel qu’en éliminant tout ce qui dilue son témoignage, en particulier l’incohérence et le scandale. Il ne peut se « solidifier » qu’en évitant tout ce qui l’empêche d’être un authentique disciple du Christ. Un chrétien ne peut donc « faire comme tout le monde » ou encore baigner dans l’indifférence. Aussi rappelons que le sel dans l’Ancien Testament, symbolisait notamment la pérennité des pactes (2Ch13, 5). Ainsi, en comparant ses disciples au sel, Jésus veut leur confier essentiellement une triple mission ; donner saveur à l’existence, la préserver de la dégradation du mal et rappeler constamment l’alliance entre Dieu et l’humanité.
Aussi, pour relever le goût des aliments, il suffit de peu de sel. Tout est dans la mesure, le savoir-faire, la discrétion. Ainsi, le chrétien reçoit également la mission d’immuniser contre la nocivité du mal, il conserve au cœur des réalités quotidiennes, les valeurs évangéliques, malgré la présence du mal dans le monde. Contre les attaques que subit aujourd’hui l’Eglise, le chrétien est invité au témoignage de vie qui lui est demandé depuis son baptême. On ne peut répondre à ces attaques que par un bon témoignage en se faisant sel pour ce monde qui perd chaque jour la saveur de vivre.
Tout comme le seul, la lumière aussi, est un bien précieux et indispensable. Elle éclaire, rassure, permet de s’orienter et d’agir. L’obscurité disait martin Luther King, ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine ; seul l’amour le peut. Dans ce monde rempli de ténèbres, la vocation du chrétien consiste à apporter des rayons de lumière. L’application de Jésus à ses disciples dans cette page de l’Evangile évoque le passage du prophète Isaïe qui présente Jérusalem comme une « ville lumière » placée sur la montagne afin d’attirer les peuples vers Dieu ( Is 60, 1-3 ; 42,6 ; 49,6). Cela signifie que le chrétien, chacun de nous, est appelé à être une lumière qui attire vers Dieu. Il est évident que pour assumer une telle charge, il doit être lui-même rempli de cette présence lumineuse et rassurante. Il s’agit ici d’être une lumière des bonnes œuvres. Et c’est le Christ lui-même qui indique la nature de la lumière dont les disciples doivent rayonner aux yeux du monde : « que votre lumière brille devant les hommes ; en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux ». Cette déclaration rappelle l’affirmation du prophète Isaïe dans la première lecture de ce jour : le vrai culte que le Seigneur attend de toi aujourd’hui c’est de partager ton pain avec celui qui a faim, de recueillir le malheureux, de vêtir celui qui est nu, de marcher dans la justice… alors ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité se transformera en lumière.
Que la communion au corps et au sang du Christ chasse les ténèbres de l’égoïsme, de l’orgueil, de la jalousie, de l’envie, du mensonge, du vol, de l’escroquerie dans nos cœurs et nous donne des forces pour devenir sel et lumière du monde chaque jour de notre vie.
Abbé Jean Claude CIZA
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